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Conscient de la gravité sans sombrer dans le désespoir Empty Conscient de la gravité sans sombrer dans le désespoir

Jeu 15 Nov - 9:09
Etre pleinement conscient de la gravité de la crise écologique, sans sombrer dans le désespoir: est-ce possible, et comment ?

Extrait de Gregory DERVILLE :

Dans un formidable article intitulé "Gravir l'échelle de la conscience", l'un de ceux qui m'ont le plus profondément inspiré ces dernières années, et que je commente dans les lignes qui suivent, l'écologiste canadien Paul Chefurka explique que s'agissant de compréhension de la crise actuelle (à la fois écologique, sociale, économique, sanitaire, politique…), chacun peut se placer le long d'un continuum de prise de conscience, en 5 étapes :


1. En sommeil profond. "Un problème, quel problème ? Marre des pleurnicheurs et des donneurs de leçons, la situation n'est pas si dramatique que ça, et puis de toutes façons l'Humanité a toujours trouvé des solutions et elle en trouvera toujours, alors ne nous prenons pas la tête et profitons de la vie !"

On connaît tous des gens qui sont scotchés à cette étape, on a tous commencé par là, et notre tentation spontanée est d'y revenir sans cesse. À titre personnel, je retourne à ce stade à chaque fois que je planifie des vacances ou que je parle de l'actualité du football ou du tennis avec mon garçon, par exemple.


2. Conscience d'UN problème fondamental (climat, pic pétrolier, pollution, disparition des abeilles, injustice sociale…), qui obnubile au point de devenir plus ou moins obsessionnel : "Mais comment peuvent-ils ne pas se rendre compte que ce problème est si grave ?"


3. Conscience de problèmes nombreux et complexes. La question devient alors : "Quel est le problème le plus urgent et le plus grave ? Sur quel enjeu faire porter ses efforts ?" On se trouve pris dans une frénésie de recherche d'information (dans mon cas c'était sur les différentes dimensions de la catastrophe écologique), et cette recherche est toujours plus angoissante, car plus le temps passe, plus les données scientifiques s'acumulent, et plus les problèmes semblent graves et difficiles à résoudre.


4. Conscience des interconnexions entre tous ces problèmes. Petit à petit, on intègre une vision systémique et on se rend compte que certes, il existe une solution dans chaque domaine (celle que les ingénieurs nous proposent, et que les journalistes et les politiques sont trop heureux et rassurés de nous vanter), mais que dans tous les cas, cette solution aggrave la situation dans un ou plusieurs autres domaines.

À cette étape, on commence à comprendre, avec une angoisse grandissante, surtout quand on a des enfants, qu'il n'y a pas de solution pour éviter l'effondrement de notre société et de notre mode de vie. Pour ma part, c'est à ce stade que j'ai cessé de parler de "crise écologique" et que j'ai commencé à parler de "catastrophe écologique", puis d'effondrement global.


5. Conscience que la situation difficile englobe tous les aspects de notre vie : notre mode de vie, nos relations à nous-même et à autrui, notre rapport à la nature. Dans tous les domaines et à tout moment, nous contribuons aux problèmes qui nous effraient et qui nous semblent si graves. Nous sommes partie prenante du mal contre lesquels nous combattons, par notre façon de consommer, de nous alimenter, de nous chauffer, de nous habiller, de nous déplacer, de nous distraire, de nous soigner, etc. Nous sommes pris dans cela même qui nous indigne et qui nous angoisse.

À ce stade, "le concept même de « solution » est mis à nu et jeté de côté", et c'est à peu près comme un saut dans le vide. Un peu comme quelqu'un qui découvrirait soudain, à 40 ans passés, l'existence et l'inéluctabilité de la mort. Dans les deux cas, je crois vraiment qu'il faut être totalement dépourvu d'imagination et coupé de ses émotions pour ne pas avoir des sueurs froides.


Quand on est arrivé au stade 5, il est rare de ne pas être gagné par un profond désespoir, d'autant plus si son entourage n'est pas réceptif, car bien en arrière le long de cette échelle de conscience. On a alors l'impression de "prêcher dans le désert", et on se sent très seul, très impuissant. En colère aussi contre ceux qui en sont encore à un stade d'éveil antérieur. Y compris si on les aime très fort – et peut-être même surtout si on les aime très fort, car ceux-là, on aimerait tellement qu'ils changent en même temps que nous, on aimerait tellement qu'ils partagent notre angoisse et notre vision de l'avenir !


   Selon Paul Chefurka, quand on en est rendu à ce stade 5, il y a alors deux "routes" pour tenter de se réconcilier avec la situation.

- Le chemin extérieur : c'est la recherche de résilience locale (territoires en transition, permaculture), qui passe par l'engagement associatif et le développement de projets collectifs, comme un habitat partagé, une monnaie locale, etc.

- Le chemin intérieur : c'est le souci de se métamorphoser et de devenir le changement que l'on veut voir dans le monde (comme le disait Gandhi). Cela s'actualise non seulement dans son mode de vie (sobriété volontaire), mais aussi au niveau personnel le plus profond (travail personnel, spiritualité, éveil à soi et au monde). Paul Chefurka précise, et je suis bien d'accord avec lui, que cela n'a rien à voir avec la (re)découverte de la religion.


Quand j'ai lu cet article, j'en étais déjà au stade 5 depuis un bon moment, et déjà engagé depuis longtemps dans "le chemin extérieur", dans de nombreuses associations, puis dans Beauvais en Transition, et parallèlement dans mes cours sur les politiques environnementales. Mais la conscience de l'effondrement en cours et de son caractère inéluctable, et l'absence de réaction sérieuse de mon entourage et de la société toute entière, était alors en passe de prépiciter mon entrée dans une période extrêmement sombre de ma vie, à peu près comme Paul Chefurka le décrit pour lui-même. Ce texte m'a aidé à comprendre ce qui était en train de m'arriver.


   Après un long travail personnel, et avec le recul, je me rends compte que j'ai appris deux choses pendant cette période. Deux leçons de vie qui ne valent pas pour tout le monde, sans doute, mais qui ont du sens pour moi.


- La première, c'est que je n'ai été capable de m'engager pleinement et sereinement dans l'action collective que quand j'ai suffisamment avancé, en parallèle, sur le chemin intérieur. Avant cela, les gratifications que je cherchais à l'extérieur, dans mes cours, mes discussions ou mes activités militantes, pouvaient me rassurer brièvement, mais elles ne changeaient rien à mon sentiment d'insécurité profond . Elles étaient comme une béquille qui permet de ne pas trop claudiquer, mais sans laquelle on ne sait pas tenir debout et marcher droit. C'est ce voyage intérieur qui m'a redonné le goût des autres, et de l'engagement.

Aujourd'hui je milite à nouveau, je donne des cours, des conférences et des formations sur la permaculture et sur la transition écologique, j'ai écrit un livre sur ces sujets et j'en prépare un deuxième. Je le fais sans trop d'illusion sur l'impact que cela va entraîner et sur le fait que cela puisse éviter l'effondrement, mais malgré cela avec plaisir et enthousiasme ; parce que je pense que c'est ce qu'il faut faire ; parce que je constate que c'est ce que je sais faire de mieux pour me rendre utile ; mais aussi parce que c'est là que je me sens fidèle à mes valeurs et à mes ressentis profonds.


- La deuxième chose que j'ai apprise, c'est qu'après avoir gravi les barreaux de cette échelle de conscience, après avoir vécu cette période très sombre, j'ai fini par retrouver le plaisir de vivre sur cette Terre, ce plaisir qui est le seul horizon acceptable pour ceux qui en sont encore au stade 1. La différence, mais elle est de taille, c'est que ce plaisir n'est pas fondé sur le sommeil (la fermeture, le déni des problèmes, le refus d'admettre que d'autres souffrent et souffriront à cause de mes choix de vie ). Au contraire, ce plaisir est fondé sur l'éveil (la prise de conscience de la fragilité et de la beauté du monde, et du rôle que j'y joue, pour le pire mais aussi, peut-être, enfin cela me fait bien de le penser, pour le meilleur).


La nature et les humains qui nous entourent sont merveilleux (en tous cas pour les seconds, ils peuvent l'être), et il suffit de s'en rendre compte, de s'en rendre vraiment compte, de se laisser envahir par les émotions que leur fréquentation nous procure, pour que la tristesse, la peur et la colère, sans disparaître, laissent petit à petit de la place à l'envie, aux projets, au partage. À la vie, quoi. Et chemin faisant, l'énergie revient pour faire en sorte que le monde, ou au moins le petit bout de monde où nous sommes installés, devienne un meilleur endroit pour vivre.

Source : https://www.linkedin.com/pulse/etre-pleinement-conscient-de-la-gravit%C3%A9-crise-sans-sombrer-derville?fbclid=IwAR0LJXOVpVLX4TYbvb5c7Vev-xCWveBm0AW16nfZ8rbsGZ6w4OyNwv6_m3Q
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